La semaine de 4 jours : 2 ans après ! – Partie 3

04/06/2024
par Catherine Radenac
Chez Orignal

“Deux ans… Putain 2 ans !” (les vieux auront la ref). Dans notre précédent article, nous vous avions laissés avec cette question brûlante : « La semaine de 4 jours – 32 heures, on valide ou pas ? » Le suspense était insoutenable, n’est-ce pas ? Eh bien, deux ans après, il est temps de lever le voile sur cette expérience !

Notre aventure vers cette nouvelle organisation a débuté par une intuition qui nous a fait réfléchir à une idée intéressante, en lien avec ce qu’on appelle la Loi de Parkinson. Cyril Northcote Parkinson est à l’origine de cette loi qui dit que le travail prend autant de temps qu’on lui accorde. Par exemple, si vous avez une semaine entière pour accomplir une tâche, elle finira probablement par prendre toute la semaine. Mais en réalité, avec quelques astuces et ajustements bien pensés, il est tout à fait possible de réduire le temps de travail sans sacrifier la qualité et la productivité.

Tout au long de notre expérimentation, nous avons découvert comment adapter notre organisation pour travailler plus intelligemment, sans forcément travailler plus longtemps.

 

 

 

Quelques ajustements

Après notre premier bilan en date du 28 juin 2022, nous avons pris notre temps pour peser le pour et le contre. Nous avions dit que nous nous laisserions jusqu’en décembre, histoire d’aller au bout de notre année comptable. Au cours de cette période, nous avons revu quelques règles pour surmonter les petits obstacles.

Voici les ajustements apportés en cours d’expérimentation :

1. Lundi et mardi à l’agence
Au départ de l’expérimentation, nous étions seulement le lundi tous ensemble à l’agence. On a décidé de l’être le lundi et le mardi car un jour, c’était trop peu. Ces deux jours sont sacrés, que ce soit pour renforcer notre esprit d’équipe ou pour organiser des sessions de brainstorming. Pas de jour off ni de télétravail !

2. Jours fériés
Si un jour férié pointe son nez dans la semaine, on déplace notre jour off dessus. Cette petite astuce a éliminé le stress de ces semaines à trois jours. Résultat : quatre jours de production garantis par collaborateur chaque semaine, no stress !

3. Flexibilité
On se garde un joker : la possibilité de bouger le jour off si vraiment nécessaire. C’est très exceptionnel, mais ça nous évite de bloquer un projet en cas de besoin.

4. Séminaires internes
On a décidé d’organiser nos séminaires internes lors du jour off pour tous. Cela permet de conserver ce rendez-vous sympa pour booster nos compétences et notre créativité, sans entraver la bonne marche des projets.

5. Le point prod
Un petit changement qui n’a pas été retenu : on a essayé de déplacer notre réunion de production de la semaine du lundi au mardi, mais on est revenu en arrière. On garde ça le lundi matin, finalement, c’est le plus pratique.

 

Semaine de 4 jours – 32 h validée !

Quelques mois plus tard, en janvier 2023, la semaine de 4 jours – 32 heures a été officiellement adoptée ! Les ajustements que nous avons effectués et notre nouvelle routine nous ont rassurés et nous ont permis de franchir le pas.

 

Pourquoi avons-nous dit oui à cette nouvelle formule ? Parce que les avantages l’emportent sur les inconvénients au regard des critères qu’on avait listés en début de projet :

  • équilibre travail / vie personnelle pour nos employés
  • pas d’impact négatif sur notre chiffre d’affaires
  • qualité de services maintenue pour nos clients
  • et même des retombées médiatiques positives en phase avec notre ADN tourné vers la RSE

Deux ans plus tard, nous ne regrettons pas une seconde notre choix ! Nous avons réalisé un sondage en interne et les retours sont unanimes. S’agissant des collaborateurs, à la question posée sur leur degré de satisfaction,100% d’entre eux a répondu : “très satisfait.e, je ne reviendrais pas en arrière !”. Et sur l’ensemble de l’équipe (associés + collaborateurs), les retours sont globalement très positifs. Les points de vigilances restant sur les passations de dossier et la baisse d’interactions entre membres de l’équipe, au regard des deux “seuls” jours passés ensemble en présentiel. Mais encore une fois, tout le monde n’a pas le même ressenti ou les mêmes attentes à ce sujet. Et nous cherchons toujours à nous améliorer sur ces points.

 

Pour autant, est-ce facile à mettre en place ? Pas forcément. D’après notre expérience, quelques prérequis sont nécessaires :

  • Le dirigeant doit être convaincu : sinon, il aura toujours des bonnes raisons de stresser, de voir ce qui ne fonctionne pas…
  • Il faut une base solide de confiance et une envie de réussir ensemble au sein de l’équipe. En réalité, c’est gagnant-gagnant, donc on a tous intérêt que cela fonctionne !
  • La préparation est la clé (retrouvez tout dans notre premier article sur le « pourquoi » et le « comment »). En tout cas, pour nous, cela a certainement permis de réussir en travaillant nos process pour anticiper la réduction d’heures travaillées.
  • Et être capable à la fois de cadrer et de faire preuve de souplesse. En effet, si cela fonctionne chez nous, c’est aussi parce que que l’on a défini ensemble les règles, qu’il a fallu parfois affiner, afin d’éviter toute mauvaise interprétation. Et on voit que l’équipe reste souple en cas d’impératif pour les projets.

Selon les retours d’expérience, il faut parfois s’attendre à une période un peu “rock’n roll” niveau organisation, le temps de trouver un rythme. Cela a été notre cas. Il faut accepter cette période de transition, inhérente au changement d’organisation et bouleversements que cela peut induire. Au bout de 3-4 mois, c’était déjà plus zen.

Nous ne disons pas que c’est simple à mettre en place, qu’il n’y a jamais de couacs d’organisation lors des jours off. Nous disons que la balance du “pour”, les bénéfices que cela apporte à l’équipe, l’emporte sur le “contre”, les désagréments que cela engendre. C’est donc un choix conscient, qui comporte des aspects négatifs, mais en prenant un peu de recul, leur impact est relativement faible.

Toutefois, il faut également veiller à ne pas tomber dans le “c’est à cause de la semaine de 4 jours !” dès qu’un dysfonctionnement apparaît. Chez nous, le plus compliqué est d’assurer la bonne fluidité des dossiers, même avec les jours Off et le télétravail. Cela nous demande une attention particulière et parfois des petites frustrations en l’absence des collègues. Mais dans tous les cas, cela reste de la “cuisine interne”, on trouve toujours la solution et le client ne s’en trouve pas impacté. Et finalement, nous avions déjà ces sujets à traiter avant la semaine de 4 jours, avec par exemple le temps partiel, le télétravail ou tout simplement par le fait de nous être développés (on ne s’organise pas de la même façon à 3 qu’à 7).
Un autre exemple serait de penser que la semaine de 4 jours alourdit considérablement notre charge de travail ou qu’elle bloque les plannings de production. En réalité, même s’il nous arrive de connaître des périodes de rush, la semaine de 4 jours n’a rien changé là-dessus, c’était déjà le cas en 5 jours ! Voire, les années passant et toute l’équipe gagnant en expérience, ces phases s’abordent finalement plus sereinement, notre productivité étant meilleure.

Ainsi, si la semaine de 4 jours permet de fidéliser nos collaborateurs qui gagnent en performance, alors au final, l’entreprise en ressort gagnante à tout point de vue.

 

 

Alors, semaine de 4 jours ou semaine en 4 jours ?

 

C’est le gros débat du moment. Petit récap pour ceux qui n’ont rien suivi :

  • La semaine en 4 jours : le temps de travail est conservé, les 35h sont réalisés sur quatre jours au lieu de cinq.
  • La semaine de 4 jours : une réduction de travail est appliquée, en général 32h au lieu de 35h. Les salaires sont maintenus.

Effectivement, ce sujet est central ! Chez Orignal, nous sommes passés à 32 heures, dès l’expérimentation, car lors de la première réunion, nous avons tout de suite perçu que cela n’aurait pas été possible en 35h. Notamment pour des questions d’organisation personnelle de certains. Notamment pour la gestion des enfants. Hors de question d’exclure une partie de l’équipe de l’expérimentation, ce n’est pas du tout, voire cela va à l’encontre de la philosophie du projet ! Inspiré à l’époque par les 32h du Groupe LDLC mené par son dirigeant Laurent de la Clergerie, on est parti sur ce modèle. Le défi de cette nouvelle organisation était donc encore plus grand ! Mais aussi plus ambitieux, selon l’angle que l’on prend.

C’est pour cela que nous avons pris le soin de bien préparer la phase expérimentale à travers des ateliers de réflexion / organisation en amont. Nous l’avons détaillé dans notre premier article de blog sur le sujet.

 

 

Donc, Orignal, une belle bande de feignasses ?


On peut déplorer un traitement manichéen du sujet tel qu’il est abordé bien souvent dans les médias, lors de conférences économiques ou dans les débats politiques : “semaine de 4 jours : pour ou contre ?”, “valeur travail vs fainéantise”… Avouons-le, on cherche toujours à nous forcer à choisir un camp. C’est regrettable. Cela ne permet pas d’avancer sereinement sur ces questions.

En effet, si vous veniez passer quelques jours chez Orignal, vous verriez à quel point notre équipe est investie sur ses dossiers, donne tout pour livrer un travail de qualité auprès de ses clients, et sait être solidaire quand il y en a besoin. Est-ce antinomique avec la volonté de trouver le meilleur équilibre pro/perso possible ? Nous ne le pensons pas. Nous pensons a contrario que cela favorise une concentration et un plaisir les jours partagés.

Combien de chefs d’entreprise (pas tous hein), avec qui nous échangeons régulièrement, sont au bord du burn out, regrettent de ne pas pouvoir passer plus de temps avec leur famille ou de pouvoir plus souvent s’adonner à leur passion ? Et ce sont les mêmes qui, souvent, sont contre ou craignent la semaine de 4 jours.

Or, elle peut contribuer, si elle est mise en place dans de bonnes conditions et si elle est accompagnée par une réflexion sur l’organisation plus globale, à trouver cet équilibre entre travail bien fait et sérénité personnelle. Et croyez-le ou non, l’engagement de l’équipe est d’autant plus fort au quotidien !

 

 

Alors, peut-être un manque d’ambition ?

 

Bien au contraire ! Encore une fois, cassons les clichés. L’adoption de la semaine de 4 jours peut, à première vue, sembler traduire un manque d’ambition, une sorte de réduction du rythme et de l’engagement. Cependant, cette interprétation serait non seulement erronée, mais aussi réductrice. En réalité, la mise en œuvre de cette initiative représente un projet extrêmement ambitieux, compte tenu des profonds bouleversements organisationnels qu’elle implique. Pour nous, ce changement de paradigme a consisté pas simplement à travailler moins d’heures, mais à travailler mieux, à repenser entièrement notre manière de fonctionner pour maximiser l’efficacité et l’impact de chaque heure travaillée.

En instaurant cette nouvelle organisation du temps de travail, nous avons pu progresser sur des points critiques qui nous faisaient défaut par le passé, notamment la rentabilité et le cadrage des projets. Ces défis sont particulièrement saillants dans un domaine créatif comme le nôtre, où la qualité du produit final et le désir de « bien faire » pour nos clients sont essentiels. En quelque sorte, osons le dire, cela nous a obligé à être plus performants !

La preuve en est qu’en 2023, nous avons vu notre chiffre d’affaires progresser de 40% ! Alors, est-ce lié à la semaine de 4 jours ? Probablement pas, ou pas directement. Mais cela prouve que cette nouvelle organisation n’a pas empêché cette progression. On peut même penser qu’elle y a contribué. En effet, si on considère que cette augmentation est en partie liée à nos références et engagements sur des projets RSE, à la stabilité de notre équipe, à la vision raisonnable et durable de notre entreprise… alors on peut penser que la semaine de 4 jours participe indirectement à son développement économique. D’ailleurs, en matière de développement durable, les 3 piliers (économique, social et environnemental) sont intimement liés.

Notre objectif est clair et partagé au sein de d’Orignal : continuer à progresser sur ces critères de performance, augmenter la rentabilité de nos projets et notre chiffre d’affaires pour tous mieux nous rémunérer.

 

 

 

La semaine de 4 jours, une recette miracle ?

Beaucoup d’expérimentation se mettent en place partout dans le Monde, et les retours sont pour la plupart très positifs. Pour autant, est-ce que cette organisation convient à tout le monde ? Non, certaines personnes (dirigeants ou salariés) n’ont pas ce besoin, cette envie. Le rythme à 5 jours leur convient parfaitement et réduire à 4 jours peut aussi générer du stress, leur travail est leur passion et les heures passées ne comptent pas, ou encore leur objectif est de gagner beaucoup d’argent, et cela peut ou doit aussi passer par un temps considérable de travail. Pourquoi pas. On est tous différents, chacun est libre de son rapport au travail. Encore heureux !

 

Est-ce la recette miracle pour recruter ou fidéliser ? Non, ce n’est pas non plus ce que nous avançons. Nous vous partageons juste notre expérience. Nous avons pu échanger avec pas mal de chefs d’entreprises depuis que nous avons commencé à mettre en place la semaine de 4 jours. Et les témoignages varient. Dans certaines entreprises, le dirigeant a pu le proposer à ses salariés qui n’en voyaient pas l’intérêt, là où dans d’autres, ce sont les collaborateurs qui poussent à le mettre en place. Pour certains métiers, c’est aussi beaucoup plus compliqué à organiser, au regard des horaires de clientèles par exemple (commerces, restauration…).

Encore une fois, la première étape consiste à sonder les besoins de l’équipe, l’intérêt réel de mettre en place la semaine de 4 jours et questionner les freins liés à la mise en place de cette nouvelle organisation. Selon chaque structure, les réponses peuvent être différentes et parfois, c’est peut-être une autre solution qui sera plus pertinente.

 

 

Prendre de la hauteur

 

En ce moment, c’est le sujet “à la mode”, alors beaucoup de débats focalisent la question de la RSE, de la Qualité de Vie au Travail, du management, de la marque employeur… autour de cette question. De notre point de vue, il s’agit d’un type d’organisation, d’une solution parmi tant d’autres ! Chez Orignal, bien avant cette organisation, nous avions déjà mis en place des actions pour le bien-être de nos collaborateurs : une 6e semaine de congés payés offerte à tous les salariés, le télétravail pour ceux qui le souhaitent (bien avant le Covid), des horaires de travail flexibles (chacun fait son planning en fonction de ses contraintes personnelles)…

D’autres modèles et expérimentations existent ailleurs tout aussi intéressantes. Ce que l’on a pu glaner çà et là : le congé menstruel, le jour de congé “anniversaire”, le congé illimité, un massage mensuel dans les locaux, un potager partagé, des séances de sport en entreprise… Tout est à imaginer !

Donc, notre réflexion est-elle terminée ? Loin de là ! Nous sommes toujours en mode cogitation et à la recherche constante d’améliorations pour optimiser notre organisation, accroître la rentabilité de notre entreprise, et développer d’autres volets de notre Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE). L’aventure continue, et on vous promet que ça reste passionnant !

 

 

 

On a été interviewés sur le sujet :

Voici quelques liens d’interviews radio, tv, podcast… pour lesquels nous avons eu le plaisir d’être sollicités (à ne pas manquer donc !) :

 

Et quelques autres liens et retours d’expérience sur le sujet :

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